Le 7 septembre 1997, disparaissait le « maréchal-président » Mobutu. Il a dirigé le Congo devenu Zaïre d’une main féroce de 1965 à 1997. Il y a 25 ans jour pour jour, le 7 septembre 1997, disparaissait le « maréchal-président Mobutu Sese Seko ». Décédé au Maroc, c’est toutefois dans son pays, le Congo, que Mobutu a marqué les esprits… et la chair de certains de ses concitoyens.
Joseph-Désiré Mobutu naît en octobre 1930 dans la province de la Mongala, dans le nord de ce qui est encore le Congo-belge.
Après avoir fréquenté une école catholique, puis un passage dans l’armée d’où il sort avec le grade de sous-officier, le jeune Mobutu devient journaliste.
L’arrestation de Lumumba
En 1960, il rejoint le Mouvement national congolais (MNC) de Patrice Lumumba qui vient de négocier l’indépendance du Congo. Rapidement, le jeune homme gravit les échelons au sein de l’armée et du parti.
C’est lui qui fait arrêter Patrice Lumumba qui est assigné à résidence. Il escompte ainsi s’assurer du soutien des Belges et des Américains. En effet, les Etats-Unis lui permettent ensuite de battre les lumumbistes en reconquérant l’ensemble du territoire. Mobutu se pose alors en unificateur du Congo.
Plus tard, il n’hésitera pas à ériger Lumumba en héros national, à des fins de propagande.
La répression après le coup d’Etat de 1965
En novembre 1965, il prend le pouvoir politique à la faveur d’un coup d’Etat, pour lequel il est aidé par la CIA. Perçu comme un révolutionnaire, le nouveau dirigeant est alors populaire.
Entre 1966 et 1968, il élimine tous les responsables politiques qui auraient pu lui faire de l’ombre. La répression s’accroît et en 1969, il fait écraser une révolte estudiantine.
12 étudiants sont condamnés à mort, les autres qui ont été abattus sont jetés dans des fosses communes. L’université est fermée pendant un an et 2.000 jeunes sont envoyés dans l’armée. La propagande étatique clame qu’ils y apprennent la discipline « et à fermer leur gueule ».
Ce qui ne l’empêche pas d’affirmer ceci, en 1969, dans une interview à la Deutsche Welle :
« Je n’ai jamais été pour la violence, je suis pour l’ordre, pour la paix, pour la tranquillité. Et lorsque nous parlons de la révolution, il faut comprendre le sens que nous voulons donner au mot « révolution ». Le Congo est un pays qui sort du chaos et de l’anarchie, alors quand nous parlons de « révolution », dans notre pensée, cela signifie de toutes les situations malheureuses que nous avons connues et l’éveil de la conscience nationale qui permet à la population de faire la comparaison entre le passé et le présent. »
Double-jeu avec l’occident
Mobutu tente de former avec la République centrafricaine et le Tchad une Union des Etats d’Afrique australe censée briser avec les anciennes puissances coloniales, surtout la France. C’est d’ailleurs cette dernière qui fait échouer le projet en jouant de son influence auprès de Jean-Bedel Bokassa, à Bangui.
Mobutu n’apprécie pas, en 1966, la publication d’un livre en Belgique qui dénonce la terreur qu’il instaure. Alors il nationalise les entreprises belges qui exploitent les mines du pays.
En 1978, il déclare lors d’un autre voyage en Allemagne :
« Ceux qui ont beaucoup bénéficié pendant 75-80 ans, quand nous étions encore une colonie, de l’essor économique du pays, je crois qu’ils ont une dette morale vis-à-vis du redressement économique du Zaïre. »
En sous-main, les relations avec Paris s’améliorent dès la fin des années 1960 et se renforcent dans les années 1970.
La Zaïrianisation
Mais l’un des piliers marquants de l’ère Mobutu est la « zaïrianisation ». Cette idéologie prône un retour à « l’authenticité » et le dirigeant interdit par exemple les prénoms à consonnance occidentale, au nom de la décolonisation culturelle.
A partir des années 1970, le régime dicte aussi aux Zaïrois leur façon de s’habiller. L' »abacost » (« A bas le costume ») doit remplacer le costume à l’occidentale.
Affublé d’une toque en léopard qui évoque les rois bantous, Mobutu se fait désormais appeler « Maréchal Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu wa Za Banga », ce qui signifie « Mobutu, le guerrier qui va de victoire en victoire sans que personne ne puisse l’arrêter. » Il instaure un culte de sa personnalité.
En 1971, le pays est renommé en Zaïre, comme le fleuve Congo et la monnaie officielle.
En échange de l’appui des Etats-Unis en pleine Guerre froide, Mobutu lutte contre l’influence soviétique en Afrique. C’est aussi par le Zaïre que transite l’aide américaine aux combattants non-communistes durant la guerre civile angolaise.
Sur le plan économique, il érige la corruption et la kleptocratie en systèmes qui vérolent la société tandis que la population s’appauvrit à vue d’œil.
Au milieu des années 1980, Laurent-Désiré Kabila, ancien lumumbiste à la tête d’une guérilla, tente de renverser Mobutu mais il échoue et part en exil pendant dix ans.
Avec la chute de l’Union soviétique, Mobutu Sese Seko perd, aux yeux des pays occidentaux, de son intérêt d’allié contre le communisme.
Dans les années 1990, le mécontentement des Congolais se fait entendre plus fortement.
Le début de la fin
Mobutu se voit contraint d’autoriser le multipartisme ainsi qu’une Conférence nationale souveraine qui devient la chambre d’écho de toutes les doléances.
En 1994, il partage même le pouvoir avec le président du Parlement. Mais trop tard : sa chute est enclenchée.
Le « maréchal-président » quitte Kinshasa pour gouverner depuis sa province natale. L’arrivée des Rwandais qui fuient le génocide en 1994, puis la progression de la rébellion de l’AFDL revenue d’Ouganda avec à sa tête Laurent-Désiré Kabila finissent de faire vaciller son pouvoir autocratique.
Malade, Mobutu est renversé le 17 mai 1997 par le putsch de Laurent-Désiré Kabila.
Il tente de se réfugier au Togo d’où il est rapidement chassé par le président Eyadema, puis il part se faire soigner en Europe.
Quand il meurt finalement dans un hôpital du Maroc, le 7 septembre 1997, sa fortune équivaut à 70% de la dette extérieure du Zaïre.
Au mois de juillet 2022, un groupe de députés congolais a réclamé le retour de la dépouille de Mobutu Sese Seko en RDC. L’ancien dictateur a été inhumé au Maroc.
Paul ANDRE